Fiche 02 - Le régime spécifique de la responsabilité des administrateurs (SA) et des gérants (SARL)

La LSC a aménagé pour les dirigeants un régime spécifique de responsabilité qui distingue suivant que la responsabilité est recherchée pour une faute de gestion, ou pour une faute de régularité (violation de la LSC ou des statuts).

Ce régime spécifique de responsabilité, qui s’applique traditionnellement aux administrateurs et aux membres du comité de direction de SA, et aux gérants de SARL, est cependant étendu à d’autres fonctions.[1]

1.1. La responsabilité pour faute de gestion

Suivant la LSC, les administrateurs de SA et les gérants de SARL sont « responsables envers la société, conformément au droit commun, de l’exécution du mandat qu’ils ont reçu et des fautes commises dans leur gestion. » [2]

A. La faute de gestion est un acte contraire à l’intérêt de la société

1) La faute ne doit pas être nécessairement volontaire. Le dirigeant peut être responsable alors même qu’il a agi dans les limites de ses pouvoirs sans commettre aucune infraction, comme par exemple le fait de réaliser des investissements excessifs.

2) La faute peut être une faute d’omission. Une attitude passive d’un dirigeant qui se désintéresse des affaires sociales peut être considérée comme une faute de gestion engageant sa responsabilité.

3) La faute doit être d’une certaine gravité. La gravité de la faute s’apprécie in abstracto c’est-à-dire par rapport à un commerçant normalement prudent et diligent dans les mêmes circonstances ; une faute de gestion est réalisée lorsqu’on peut estimer qu’un dirigeant normalement prudent et diligent ne l’aurait pas commise.

4) Un administrateur n’est en principe responsable que de sa propre faute.

  • La responsabilité est normalement individuelle, sauf si la faute est « commune » : dans ce cas la responsabilité des dirigeants est solidaire.
  • Un administrateur qui serait en désaccord avec une décision prise par le Conseil d’Administration est tenu de faire consigner son opposition dans le procès-verbal de la réunion.

5) Toutes les actions pour faute de gestion sont prescrites par cinq ans à compter du fait générateur ou de sa découverte en cas de dol.[3]

B. L’action ne peut être engagée que pour le compte de la société

La responsabilité pour faute de gestion est de nature contractuelle fondée sur l’exécution d’un contrat de mandat :

  • La faute doit avoir causé un dommage à la société, et la responsabilité est limitée au « dommage prévisible. »[4]
  • La responsabilité sera moins rigoureuse si le mandat est gratuit.[5]

Compte tenu de sa nature contractuelle, la responsabilité des dirigeants pour faute de gestion ne peut pas être directement recherchée par un tiers à la société (p.ex. un créancier de la société, ou un associé seul) car les dirigeants ne sont pas contractuellement liés avec ces personnes.

Si la responsabilité pour faute de gestion est en principe engagée par une décision de l’assemblée générale des actionnaires (SA) ou des associés (SARL), elle peut être diligentée par des actionnaires/associés minoritaires, via une action directe ou une expertise de gestion :

1) L’action par des actionnaires minoritaires[6]

La responsabilité contractuelle des dirigeants d’une SA en raison des fautes commises dans l’exécution de leur mandat peut être engagée par des actionnaires minoritaires pour le compte de la société.

Les actionnaires minoritaires doivent représenter au moins 10% des voix à l’assemblée générale qui s’est prononcée sur la décharge.

L’action des minoritaires ne devrait pouvoir être diligentée qu’en cas d’inertie de l’assemblée générale, et en réparation d’un préjudice subi directement par la société.

2) L’expertise de gestion[7]

L’expertise de gestion, suivant laquelle les associés minoritaires représentant 10% du capital ou 10% des voix peuvent demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts pour présenter un rapport sur une opération de gestion, peut-être un préalable à une mise en cause de la responsabilité contractuelle ou délictuelle des dirigeants.

La réforme de 2016 a étendu l’expertise de gestion à toutes les sociétés commerciales alors qu’elle était jusque-là réservée aux seules SA, SEC-A et sociétés coopératives.

Le seuil pour déclencher l’expertise de gestion a été abaissé à 10% du capital social ou des droits de vote.

L’expertise de gestion comprend une phase préalable et une phase contentieuse :

  • Les minoritaires doivent poser par écrit une ou plusieurs questions à l’organe de gestion, sur une ou plusieurs opération(s) de gestion déterminée(s).
  • À défaut de réponse dans un délai d’un mois, les minoritaires peuvent demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur la ou les opérations de gestions visées.

1.2. La responsabilité pour faute de régularité

La faute de régularité est définie comme suit par la LSC : « Les administrateurs (de SA et les gérants de SARL) (…) sont solidairement responsables, soit envers la société, soit envers tous tiers, de tous dommages résultant d’infractions aux dispositions de la présente loi, ou des statuts. »[8]

La faute de régularité étant d’une nature plus grave qu’une faute de gestion, la responsabilité des dirigeants est traitée de manière plus sévère que la faute de gestion.

A. Les dirigeants sont solidairement responsables

La LSC présume fautifs tous les dirigeants sans qu’il soit besoin d’établir une faute personnelle.

Un dirigeant qui s’estime non-fautif peut s’exonérer de cette responsabilité, mais il doit prouver deux éléments :

1) Ne pas avoir participé à l’infraction

Le dirigeant ne doit pas avoir participé au conseil d’administration qui a pris une décision en violation de la loi ou des statuts.

2) Avoir dénoncé la faute

Pour s’exonérer, le dirigeant doit dénoncer la faute de régularité à la première assemblée générale qui suit immédiatement le moment où il a eu connaissance de cette faute.

B. L’action est ouverte aussi bien à la société qu’aux tiers lésés

La responsabilité est de nature contractuelle si elle est engagée par la société, ou de nature délictuelle si elle est engagée par un tiers, comme par exemple un actionnaire minoritaire ou un créancier.

Si l’action est engagé par un tiers, il devra apporter la preuve d’un préjudice qui serait directement et personnellement subi en raison d’une faute d’un dirigeant. Le préjudice doit donc affecter directement le patrimoine du tiers concerné, et non le patrimoine social qui est commun à tous les associés.

C. Exemples de fautes de régularité

1)  Le non-respect des obligations d’information et d’abstention en cas de conflit d’intérêt.[9]

La réforme de 2016 a étendu les obligations des conflits d’intérêt des administrateurs de SA aux délégués à la gestion journalière, aux membres des comités de direction, aux directeurs généraux de SA, aux gérants d’une SEC-A, au président d’une SAS, et au gérant d’une SARL.[10]

Le conflit d’intérêt existe quand un dirigeant personne physique a un intérêt patrimonial et personnel qui est opposé à l’intérêt de la société.

Le cas classique est lorsqu’une société vend un immeuble à une personne physique qui est aussi l’administrateur de la société.

En cas de conflit d’intérêt, le dirigeant à une double obligation :

  • une obligation d’informer l’organe de gestion afin que la décision relative à la décision litigieuse soit reportée à la 1ère assemblée générale suivante ;
  • une obligation d’abstention car le dirigeant en situation de conflit d’intérêt ne doit pas prendre part au vote de l’assemblée générale qui délibère sur l’opération litigieuse.

2) Un abus de pouvoirs ou de droits.[11]

Commet un abus de pouvoirs ou de droit le dirigeant qui fait usage de procurations ou de délégations de pouvoir à des fins personnelles et contraires à l’intérêt social, ou pour favoriser une autre société dans laquelle le dirigeant est intéressé directement ou indirectement.

3) Le défaut de convocation d’une assemblée générale.[12] Commet une faute de convocation l’organe de gestion qui ne convoque pas l’assemblée générale dans les 6 mois de la clôture de l’exercice comptable, à la date fixée aux statuts.

 

[1] En plus des administrateurs de SA et des gérants de SARL, ce régime de responsabilité s’applique aux fonctions suivantes : représentants permanents (article 441-3), délégués à la gestion journalière (article 441-10), membres du directoire et du conseil de surveillance (articles 442-10 et 442-16), commissaires (article 443-2), présidents et directeurs de SAS (article 500-6), gérants actionnaires commanditaires de SEC-A (article 600-5).

[2] Article 441-9.al.1er (SA) applicable aux gérants de (SARL) en vertu de l’article 710-16, LSC.

[3] Article 1400-6, LSC.

[4] Article 1150 du code civil : « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».

[5] Article 1992, c.civ.

[6] Article 444-2, LSC. L’action minoritaire n’est ouverte que pour les SA et les SEC-A, mais elle n’est pas prévue par les SARL.

[7] Art. 1400-3, LSC.

[8] Article 441-9.al.2 (SA) applicable aux gérants de (SARL) en vertu de l’article 710-16, LSC.

[9] Article 441-7, LSC.

[10] Article 710-15.(6), LSC.

[11] Article 1500-11, LSC.

[12] Article1500-2, 3°), LSC.

Dernier enregistrement: 29/06/2022

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