Fiche 03 - La responsabilité pénale en droit des affaires

1.1. La responsabilité pénale des personnes morales

La responsabilité pénale des personnes morales a été introduite au Luxembourg par une loi du 3 mars 2010.[1]

A. Conditions pour sanctionner pénalement une société

Trois conditions cumulatives doivent être réalisées pour pouvoir sanctionner pénalement une société[2] :

(1) l’infraction incriminée a été commise par un dirigeant de droit ou de fait, ou un organe officiel de la société tel que le conseil d’administration, le collège de gérance, le délégué à la gestion journalière, le commissaire au compte, l’assemblée générale, et

(2) l’infraction incriminée a été commise au nom de la personne morale, et

(3) l’infraction incriminée a été commise dans l’intérêt de la personne morale.

B. Les sanctions pénales

Les sanctions pénales prévues sont l’amende, la confiscation spéciale, l’exclusion de la participation à des marchés publics.

La dissolution de la société peut être prononcée pour les sociétés qui ont été créées intentionnellement pour commettre les faits qui lui sont incriminés, et pour les sociétés sanctionnées d’infractions graves.[3]

A noter que la dissolution et la liquidation d’une société peut aussi être prononcée par le Tribunal d’arrondissement, à la requête du Procureur d’État, à l’encontre de « toute société soumise à la loi luxembourgeoise qui poursuit des activités contraire à la loi pénale ou qui contrevient gravement aux dispositions du code de commerce ou des lois régissant les sociétés commerciales, y compris en matière de droit d’établissement. » (article 1200-1, LSC).

1.2. La responsabilité pénale des dirigeants

Même si la responsabilité pénale de la société a été engagée, le dirigeant qui a commis une infraction pénale dans le cadre de sa fonction reste pénalement responsable : il y a alors un cumul de la responsabilité pénale de la société avec celle du dirigeant responsable.

Les infractions pénales susceptibles d’être commises dans le cadre de la gestion d’une société sont définies dans les différentes branches du droit.

A. La responsabilité pénale du dirigeant en droit des sociétés (exemples)

1) La non-publication des comptes annuels dans un but frauduleux (article 1500-5., LSC)

La non-publication des comptes annuels dans les délais impartis est passible d’être pénalement sanctionnée si l’existence d’un but frauduleux est avérée.[4]

Les condamnations sont relativement fréquentes car on considère que l’infraction est purement matérielle.[5]

2) L’abus de bien social (article 1500-11., LSC).

L’utilisation abusive de biens de la société par un dirigeant de droit ou de fait est susceptible d’entrainer la condamnation au pénal[6] si les quatre éléments suivants sont prouvés :

  • Un usage d’un bien ou un usage d’un crédit de la société : l’usage vise l’appropriation, mais aussi la dissipation d’un bien ou son utilisation abusive.
  • Un usage contraire à l’intérêt social : l’usage doit avoir créé un préjudice à la société, un risque anormal, ou une atteinte à la réputation.
  • Un intérêt personnel, qui peut être direct ou indirect comme de favoriser une autre société dans laquelle le dirigeant est intéressé.
  • Un élément intentionnel caractérisé par la mauvaise foi et la connaissance d’agir contre l’intérêt social : une simple négligence n’est pas suffisante.[7]

Exemple relevé d’un abus de bien social : l’usage d’un véhicule d’une société, à des fins strictement personnelles – diminuant ce faisant la valeur du véhicule – est constitutif d’un abus de bien social en ce que l’utilisateur s’enrichit personnellement au détriment de la société et de ses créanciers.[8]

B. La responsabilité pénale du dirigeant en droit de la sécurité sociale (exemples)

Le code de la sécurité sociale prévoit des amendes d’ordre à l’encontre des chefs d’entreprises et des employeurs qui ne respectent pas les obligations imposées ; une amende d’ordre peut ainsi être réclamée en cas de déclaration tardive d’entrée ou de sortie à la sécurité sociale, c’est-à-dire après le délai de 8 jours légalement prévu.[9]

En principe les amendes d’ordre ne peuvent pas dépasser 2.500 euros.[10]

La loi fixe cependant des peines aggravées dans certaines hypothèses, comme par exemple :

  • Une amende jusqu’à 6.250 euros, à moins qu’une peine plus forte ne résulte d’une autre disposition légale ou réglementaire, est encourue à l’encontre du « chef d’entreprise (…) qui, sciemment, aura opéré, sur les salaires des assurés, des retenues non autorisées par la loi. »[11]
  • Une peine d’emprisonnement d’un mois à cinq ans et une amende de 251 euros à 15.000 euros, à moins qu’une peine plus forte ne résulte d’une autre disposition légale, est encourue à l’encontre de « ceux qui ont frauduleusement amené les institutions de sécurité sociale à fournir des prestations, une pension, des secours ou d’autres avantages qui n’étaient pas dus ou n’étaient dus qu’en partie. »[12]
  • Une peine d’emprisonnement de huit jours à six mois et une amende de 251 à 25.000 euros, ou d’une de ces peines seulement, est encourue à l’encontre de tout employeur qui occupe un salarié sans avoir respecté les obligations relatives aux examens médicaux prévus.[13]

C. La responsabilité pénale des dirigeants en matière fiscale (exemple)

Tout dirigeant de droit ou de fait peut-être tenu personnellement et solidairement du paiement :

  • des impôts impayés en cas d’inexécution fautive des obligations légales imposées par la loi générale des impôts ;[14]
  • de la TVA impayée en cas d’inexécution fautive des obligations légales imposées par la loi TVA.[15]

D. La responsabilité pénale du dirigeant en cas de non-respect des conditions d’exploitation

La responsabilité pénale du dirigeant sera engagée en cas d’infraction aux dispositions de la loi relative aux établissements classés, appelés autrefois établissements dangereux, insalubres ou incommodes.[16]

Les établissements classés sont ceux qui peuvent présenter des inconvénients à l’égard de la protection de la sécurité, de la salubrité ou de la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel de ces établissements, de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail ainsi qu’à l’égard de l’environnement humain et naturel.

La classification des établissements est déterminée par règlement grand-ducal[17] et, en fonction de cette classification, les établissements doivent être autorisés par l’administration compétente, soit au niveau national, soit au niveau de la commune d’implantation.

L’exploitation non autorisée d’un établissement ou la modification illégale d’un établissement aura pour conséquence la fermeture de l’établissement ou seulement d’une partie de l’établissement.

 

[1] Mémorial A-N°36 du 11 mars 2010.

[2] Art.34, Code pénal.

[3] Les infractions visées sont celles punies en ce qui concerne les personnes physiques par une peine privative de liberté supérieure ou égale à 3 ans.

[4] L’infraction de non-publication est punie d’un emprisonnement de 1 mois à deux ans, et d’une amende de 5.000 à 125.000 €, ou de l’une de ces deux peines seulement (article 1500-5, LSC).

[5] La responsabilité pénale du dirigeant est engagée même s’il fait état de la faute d’un tiers, comme par exemple de sa fiduciaire.

[6] L’abus de bien social est puni d’emprisonnement de 1 à 5 ans, et d’une amende de 500 à 25.000 €, ou de l’une de ces deux peines seulement.

[7] La mauvaise foi doit être prouvée par celui qui l’allègue et elle doit exister au jour de l’accomplissement de l’acte délictueux, respectivement au jour où l’acte a cessé s’il s’agit d’une infraction qui se prolonge dans le temps.

[8] Dans le contexte d’une société mise en liquidation. Tribunal d’Arrondissement, Luxembourg, 18 mai 2011, n°1668/2011. Code des sociétés annoté, 1ère Edition, Legitec, p.189.

[9] Article 425, Livre IV, code de la sécurité sociale.

[10] Article 445, Livre IV, code de la sécurité sociale.

[11] Article 449, Livre IV, code de la sécurité sociale.

[12] Article 451, Livre IV, code de la sécurité sociale.

[13] Article L.327-2, code du travail.

[14] Articles 103 à 109 de la loi modifiée du 22 mai 1931 (« Abgabenordnung » ou « AO »).

[15] Articles 67-1 à 67-3 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la TVA.

[16] Loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés (loi commodo).

[17] Règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés.

Dernier enregistrement: 29/06/2022

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